Vous avez déjà vu ces lettres sur l’étiquette d’un médicament générique : AB, BC, BX ? Ces codes ne sont pas des numéros de lot ni des codes barres. Ce sont des décisions scientifiques de la FDA, et elles déterminent si votre pharmacien peut vous remplacer un médicament de marque par un générique sans demander l’avis de votre médecin. C’est un système simple, mais crucial. Il permet d’économiser des milliards chaque année, tout en garantissant que vous recevez un traitement aussi sûr et efficace que celui prescrit.
Comment la FDA décide si un générique peut être substitué
La FDA ne se contente pas de vérifier que le générique contient le même ingrédient actif que le médicament de marque. Elle exige bien plus : il faut prouver que le générique se comporte exactement comme le médicament d’origine dans le corps humain. C’est ce qu’on appelle l’
équivalence thérapeutique. Pour cela, trois conditions doivent être remplies :
- Le générique doit être pharmaceutiquement équivalent : même ingrédient actif, même dose, même forme (comprimé, gélule, solution), même voie d’administration.
- Il doit être bioéquivalent : il doit être absorbé dans le sang à la même vitesse et dans la même quantité que le médicament de référence.
- Il doit produire les mêmes effets cliniques et le même profil de sécurité.
Si ces trois critères sont remplis, la FDA attribue un code d’équivalence thérapeutique (TE). Ce code apparaît dans l’
Orange Book, le livre officiel des médicaments approuvés, publié chaque année par la FDA. C’est la bible des pharmaciens, des médecins et des autorités de santé aux États-Unis.
Les codes TE : ce que signifient les lettres
Les codes sont composés d’une ou deux lettres. La première lettre est la plus importante.
- A : le générique est considéré comme substituable. Il peut être échangé contre le médicament de marque sans risque.
- B : le générique n’est pas encore considéré comme substituable. Il faut plus d’informations. Ce n’est pas forcément un mauvais médicament - il peut être très bon - mais la FDA n’a pas encore suffisamment de preuves pour dire qu’il peut être échangé en toute sécurité.
Les lettres après le A ou le B précisent des cas particuliers :
- AB1, AB2, AB3, AB4 : ces codes sont utilisés quand il existe plusieurs médicaments de référence pour un même principe actif. Par exemple, si deux marques différentes ont été utilisées comme référence pour des génériques, les génériques sont classés AB1, AB2, etc. Un générique AB1 ne peut être échangé qu’avec un autre AB1, pas avec un AB2.
- BC : produits à libération prolongée avec des problèmes de bioéquivalence potentiels.
- BD : ingrédients actifs ayant déjà montré des problèmes de bioéquivalence.
- BT : produits topiques (crèmes, pommades) avec des difficultés à prouver l’équivalence.
- BX : données insuffisantes pour juger de l’équivalence. Pas de substitution autorisée.
En 2023, environ 90 % des médicaments génériques approuvés par la FDA portaient un code
A. Cela signifie que la grande majorité des génériques sur le marché peuvent être échangés sans problème.
Pourquoi certains génériques ont un code B
On pourrait penser qu’un code B signifie que le médicament est de mauvaise qualité. Ce n’est pas vrai. Beaucoup de génériques avec un code B sont tout à fait efficaces. Le problème vient de la complexité du produit.
Les médicaments simples - comme les comprimés d’ibuprofène ou de metformine - sont faciles à tester. On mesure simplement la concentration dans le sang. Mais pour les produits complexes - comme les inhalateurs, les crèmes à base de corticoïdes, les solutions injectables à particules ou les comprimés à libération prolongée - les méthodes classiques de bioéquivalence ne suffisent pas. La façon dont le médicament est absorbé ou libéré dans le corps peut varier même si la quantité dans le sang est identique.
Par exemple, un inhalateur générique peut libérer la même quantité de médicament que le produit de marque, mais si les particules ne sont pas de la même taille, elles n’atteindront pas la même partie des poumons. Résultat : l’effet thérapeutique peut être différent. La FDA ne peut pas encore garantir l’équivalence avec les outils actuels, donc elle attribue un code B. Cela ne veut pas dire que le médicament ne marche pas - seulement qu’il ne peut pas être échangé automatiquement.
Comment les pharmaciens utilisent ces codes
Dans 49 États américains, la loi permet au pharmacien de substituer un médicament de marque par un générique
A sans demander l’autorisation du médecin. C’est une règle standard. Le pharmacien vérifie simplement le code sur l’étiquette et dans l’Orange Book avant de donner le générique.
Mais les choses se compliquent avec les codes
B. Certains pharmaciens refusent de substituer, même si le médecin a dit que c’était acceptable. D’autres, mal informés, échangent un produit B sans savoir qu’ils le font à leur risque. Une enquête de l’American Medical Association en 2022 a révélé que 42 % des médecins étaient confus par les codes B. Et 28 % ont eu des cas où un pharmacien a refusé une substitution qui aurait été tout à fait appropriée.
Les pharmaciens passent en moyenne 2,7 minutes par ordonnance à vérifier ces codes. Cela représente des milliards d’heures de travail chaque année. Mais c’est un investissement. Grâce à la substitution des génériques A, le système de santé américain économise environ 1,2 milliard de dollars par an.
Les différences avec l’Europe
En Europe, l’Agence européenne des médicaments (EMA) n’utilise pas de système de codes. Elle publie des évaluations scientifiques détaillées pour chaque générique. C’est plus précis, mais moins pratique pour le pharmacien en boutique. En France ou en Allemagne, le pharmacien peut substituer un générique - mais il doit souvent consulter le médecin ou le patient. Il n’y a pas de code universel qui dit « oui » ou « non ».
Le système américain, lui, est conçu pour être rapide. Il permet une substitution automatique, ce qui est essentiel dans un système de santé où les coûts sont élevés et où les génériques représentent 90 % des ordonnances remplies, mais seulement 23 % des dépenses totales en médicaments.
Les défis à venir
Les produits complexes sont de plus en plus nombreux. Entre 2018 et 2022, la FDA a vu une augmentation de 22 % des demandes de génériques avec des codes B. Cela reflète une tendance mondiale : les médicaments deviennent plus sophistiqués. Des traitements pour le cancer, les maladies rares ou les troubles neurologiques utilisent des formulations très complexes.
La FDA a publié en 2022 un projet de guide pour moderniser l’évaluation de l’équivalence thérapeutique. Elle veut intégrer davantage de données du monde réel - comme les résultats des patients dans la vie quotidienne - en plus des études en laboratoire. Son objectif : réduire de 30 % le nombre de codes B pour les produits complexes d’ici 2027.
Cela pourrait changer la donne. Imaginez un inhalateur générique qui a été utilisé par des milliers d’asthmatiques pendant des années, avec des résultats identiques au produit de marque. Même si les études en laboratoire ne sont pas parfaites, les données cliniques pourraient justifier un code A.
Que faut-il retenir ?
- Si votre générique a un code
A, il peut être substitué sans risque. Votre pharmacien peut le faire sans votre médecin.
- Si votre générique a un code
B, il ne doit pas être échangé automatiquement. Consultez votre médecin ou votre pharmacien.
- Les codes ne sont pas une évaluation de la qualité. Un produit B peut être excellent - il est juste plus difficile à évaluer.
- L’Orange Book est gratuit et accessible en ligne. Vous pouvez le consulter vous-même pour vérifier le code de votre médicament.
- Les génériques, en général, sont sûrs, efficaces et économisent des milliards chaque année. Le système de codes aide à les utiliser correctement.
Les questions les plus fréquentes
Qu’est-ce qu’un code AB dans l’Orange Book ?
Un code AB signifie que le générique est pharmaceutiquement et bioéquivalent au médicament de référence, et qu’il peut être substitué sans risque. Les suffixes comme AB1, AB2 indiquent que plusieurs médicaments de référence existent pour le même principe actif. Un AB1 ne peut être échangé qu’avec un autre AB1.
Un médicament avec un code B est-il moins bon ?
Non. Un code B ne signifie pas que le médicament est de mauvaise qualité. Il signifie simplement que la FDA n’a pas encore suffisamment de preuves pour affirmer qu’il peut être échangé avec un médicament de marque. Cela arrive souvent avec des produits complexes, comme les inhalateurs ou les crèmes topiques, où les méthodes de test actuelles ne sont pas suffisantes.
Pourquoi les génériques ne sont-ils pas tous évalués de la même manière ?
Les médicaments simples, comme les comprimés oraux, sont faciles à tester : on mesure la concentration dans le sang. Pour les produits complexes - comme les injections à particules, les crèmes ou les inhalateurs - la façon dont le médicament est libéré ou absorbé est plus importante que la simple concentration dans le sang. Les méthodes actuelles ne capturent pas toujours ces différences, ce qui rend l’évaluation plus difficile.
Les médicaments en vente libre (OTC) ont-ils des codes TE ?
Non. Le système de codes d’équivalence thérapeutique ne s’applique qu’aux médicaments sur ordonnance. Les produits en vente libre, comme les antidouleurs ou les antihistaminiques, ne sont pas évalués par la FDA sous ce système.
Puis-je consulter les codes TE moi-même ?
Oui. L’Orange Book est disponible gratuitement sur le site web de la FDA. Vous pouvez y chercher votre médicament par nom, principe actif ou code. C’est une ressource fiable pour les patients, les pharmaciens et les médecins.