Vous vous réveillez en pleine nuit, le monde tourne autour de vous. Un simple mouvement de la tête, comme vous tourner sur le côté ou regarder vers le haut, déclenche une violente sensation de rotation. Vous vous sentez mal, vous avez la nausée, vous avez peur de tomber. Ce n’est pas un mal de tête, ni une migraine. C’est probablement un vertige positionnel bénin (BPPV). Ce trouble, bien que bénin, est l’une des causes les plus fréquentes de vertige chez les adultes, surtout après 50 ans. Et la bonne nouvelle, c’est qu’il se traite souvent en quelques minutes avec une simple manœuvre.

Qu’est-ce que le BPPV ?

Le BPPV, ou vertige positionnel bénin, est un trouble de l’oreille interne. Il n’est pas dangereux pour la vie, mais il peut rendre la vie quotidienne très difficile. Imaginez que de minuscules cristaux de calcium, appelés otoconies, se détachent de leur place normale dans une partie de l’oreille appelée l’utricle. Ces cristaux, qui mesurent entre 5 et 30 micromètres - à peine plus gros qu’un grain de sable - se déplacent dans les canaux semi-circulaires, ces tubes remplis de liquide qui détectent les mouvements de la tête. Quand vous bougez la tête, ces cristaux flottent et déforment le liquide. Votre cerveau reçoit un signal erroné : il pense que votre corps tourne, alors qu’il est immobile. Résultat : un vertige soudain, intense, qui dure quelques secondes à une minute.

Plus de 50 % des cas de vertige périphérique sont dus au BPPV. Chez les personnes de plus de 60 ans, un sur cinq en a déjà fait l’expérience. Les femmes sont 1,5 à 2 fois plus touchées que les hommes, pour des raisons encore mal comprises, peut-être liées aux changements hormonaux ou à une densité osseuse plus faible.

Comment reconnaître un BPPV ?

Le BPPV a des signes très caractéristiques. Vous ne ressentez pas un malaise constant. Vous avez des épisodes brusques, déclenchés par des mouvements précis : vous vous retournez dans votre lit, vous vous penchez pour mettre vos chaussettes, vous regardez vers le haut pour accrocher un tableau, ou vous tournez rapidement la tête dans la voiture. Chaque épisode dure rarement plus d’une minute. La sensation de rotation est accompagnée de nausées (chez 78 % des patients), de vomissements (32 %), de troubles de l’équilibre, et parfois de vision floue.

Le diagnostic repose sur un test simple : la manœuvre de Dix-Hallpike. Votre médecin vous fait vous allonger rapidement sur le dos, la tête penchée en arrière et tournée d’un côté. S’il y a un BPPV du canal postérieur - le plus fréquent -, vous allez ressentir un vertige et votre œil va faire des mouvements rapides, appelés nystagmus. Ce nystagmus a un délai de 2 à 10 secondes, puis il diminue si on répète le test. C’est cette particularité qui distingue le BPPV des autres causes de vertige, comme une névrite vestibulaire ou un accident vasculaire cérébral.

Pourquoi les médicaments ne marchent pas bien

Beaucoup de gens se rendent chez leur médecin avec un vertige, et on leur prescrit des médicaments comme le méclozine ou le diméhydrinate. Ces traitements sont des anti-vertiges, des calmants du système nerveux. Mais ils ne traitent pas la cause. Ils masquent les symptômes, parfois avec des effets secondaires comme la somnolence, la bouche sèche ou la confusion. Selon le Merck Manual, ils n’ont qu’une efficacité de 18 % pour le BPPV. Et ils ne font rien pour empêcher les récidives.

La vérité ? Les médicaments ne sont pas la première ligne de traitement. La seule approche efficace, validée par les grandes sociétés médicales comme l’Académie américaine d’oto-rhino-laryngologie, c’est le répositionnement canalithique. C’est une technique mécanique. Pas de pilule. Pas de chirurgie. Juste un mouvement précis de la tête, fait dans un ordre spécifique, pour ramener les cristaux à leur place.

Médecin réalisant la manœuvre d'Epley, des cristaux lumineux flottent dans l'air tandis que le patient hurle en silence.

La manœuvre d’Epley : la solution en quelques minutes

La manœuvre d’Epley est le traitement de référence pour le BPPV du canal postérieur, qui représente 80 à 90 % des cas. Elle a été développée dans les années 1980 par le Dr John Epley. Elle consiste en une série de quatre positions de la tête, chacune maintenue pendant environ 30 secondes. Le but ? Utiliser la gravité pour faire glisser les cristaux hors du canal semi-circulaire, vers une zone où ils ne causent plus de problème.

Quand elle est bien faite, elle réussit dans 80 à 90 % des cas après une seule séance. La plupart des patients ressentent une amélioration immédiate ou dans les 24 heures. Une étude publiée dans JAMA Otolaryngology a montré que les patients qui suivent une vidéo guidée pour faire la manœuvre à la maison ont 72 % de chances de succès, contre seulement 45 % avec un simple mode d’emploi écrit.

Voici comment ça se passe, en résumé : vous êtes assis sur un lit. Le médecin vous fait vous allonger rapidement, la tête tournée d’un côté. Puis il tourne lentement votre tête vers l’autre côté. Ensuite, il vous fait rouler sur le côté, en gardant la tête dans la même position. Enfin, vous vous redressez lentement. Chaque mouvement est calibré pour guider les cristaux vers l’oreille, pas vers le cerveau.

Autres manœuvres et cas plus complexes

Tout le BPPV n’est pas identique. Parfois, les cristaux se retrouvent dans le canal horizontal - environ 5 à 10 % des cas. Là, la manœuvre d’Epley ne marche pas. On utilise alors le roulement de Lempert, où vous roulez sur le côté comme un tonneau, en gardant la tête stable. Pour les cas rares du canal antérieur, des manœuvres plus complexes sont nécessaires.

Il existe aussi la manœuvre de Semont, qui est plus rapide mais exige plus de mobilité. Et pour ceux qui veulent essayer à la maison, la manœuvre de Brandt-Daroff demande de faire des séries de mouvements deux fois par jour pendant deux semaines. Elle est moins efficace (environ 50 %), mais elle peut aider si les autres manœuvres ne sont pas disponibles.

Les récidives : un problème courant

Même après une manœuvre réussie, le BPPV peut revenir. 15 % des personnes en font une autre dans l’année. Après cinq ans, c’est 35 % qui en reçoivent une nouvelle. À dix ans, la moitié des patients ont eu au moins un nouvel épisode. Pourquoi ? Parce que les cristaux se détachent à nouveau. Les causes ne sont pas toujours claires : vieillissement, traumatisme crânien, maladie de l’oreille, ou même carence en vitamine D. Une étude de 2022 a montré que prendre 1 000 UI de vitamine D par jour réduit les récidives de 24 % chez les personnes déficientes.

Il n’y a pas de façon de les empêcher complètement. Mais vous pouvez réduire les risques : évitez de vous coucher sur le côté affecté pendant quelques jours après la manœuvre, évitez les mouvements brusques de la tête, et si vous avez des carences, corrigez-les.

Homme face à un miroir, des cristaux tombent de ses yeux et sa bouche, formant une cascade qui se dissout en fumée.

Les erreurs à éviter

Beaucoup de patients perdent du temps à chercher des réponses dans les scanners. Une IRM ne sert à rien dans un BPPV typique. Elle coûte entre 1 200 et 1 800 euros, et elle a moins de 5 % de chance de trouver un problème. Pourtant, 35 % des diagnostics initiaux sont erronés, souvent parce que les médecins généralistes ne connaissent pas les manœuvres de répositionnement.

Autre erreur : se fier à des vidéos YouTube sans supervision. Sur 15 millions de vues, 78 % des personnes disent que ça a marché. Mais 12 % ont eu un pire vertige après avoir mal fait la manœuvre. Si vous avez des douleurs au cou, des antécédents de chirurgie de la colonne, ou des troubles neurologiques, ne faites jamais ces manœuvres seul.

Quand consulter un spécialiste ?

Si vous avez des vertiges répétés, surtout après 50 ans, demandez à votre médecin de vous faire la manœuvre de Dix-Hallpike. Si elle est positive, il peut vous faire la manœuvre d’Epley sur place. Sinon, il peut vous orienter vers un ORL ou un kinésithérapeute spécialisé en équilibre. Les centres hospitaliers universitaires en France ont de plus en plus de services de réhabilitation vestibulaire. En 2023, 78 % des grands hôpitaux en proposent, contre 42 % en 2018.

Les nouvelles technologies aident aussi. Des applications comme DizzyFix utilisent les capteurs de votre téléphone pour guider la manœuvre. Elles ont une efficacité de 63 %, mais elles ne sont pas remboursées. Des systèmes robotisés comme l’Epley Omniax existent, mais ils coûtent plus de 75 000 euros - trop cher pour une clinique ordinaire.

Le futur du BPPV

La recherche avance. Des études cherchent à identifier des gènes qui rendraient certaines personnes plus vulnérables. D’autres testent des médicaments capables de dissoudre les cristaux. Une application de réalité virtuelle, approuvée par la FDA en 2022, montre des résultats prometteurs avec une réduction des symptômes de 78 %.

Le plus important ? Le BPPV n’est pas une maladie chronique. Il est réversible. Il ne cause pas de perte auditive, ni de lésion cérébrale. Il ne vous tuera pas. Mais il peut vous faire perdre des jours, des nuits, des confiances. La bonne nouvelle, c’est qu’avec un bon diagnostic et une bonne manœuvre, vous pouvez retrouver votre équilibre - littéralement - en moins d’une heure.

Le BPPV peut-il disparaître tout seul ?

Oui, dans certains cas, le BPPV peut se résoudre spontanément en quelques semaines, car les cristaux finissent par se dissoudre ou se déplacer naturellement. Mais ce processus peut prendre jusqu’à un mois, et pendant ce temps, les épisodes de vertige persistent. Les manœuvres de répositionnement, elles, agissent en minutes et ont une efficacité bien supérieure (80-90 %) comparée à la guérison spontanée (40-50 %). Il n’y a donc aucune raison d’attendre.

Peut-on faire la manœuvre d’Epley soi-même à la maison ?

Oui, c’est possible, et même recommandé après un premier traitement en cabinet. Des vidéos guidées, comme celles publiées par des hôpitaux ou des associations comme la Vestibular Disorders Association, sont très efficaces. Une étude a montré que 72 % des patients réussissent à se traiter à la maison avec une vidéo, contre seulement 45 % avec un simple texte. Mais si vous avez des douleurs au cou, une hernie discale, ou des troubles cardiaques, demandez d’abord l’avis d’un professionnel. Ne faites jamais la manœuvre si vous ressentez des picotements, une faiblesse ou une perte de vision.

Pourquoi le BPPV revient-il souvent ?

Les cristaux de calcium dans l’oreille interne se détachent naturellement avec l’âge, ou à la suite d’un traumatisme, d’une infection ou d’un stress. Il n’y a pas de moyen de les empêcher complètement de se détacher. Mais des études montrent que les carences en vitamine D augmentent le risque de récidive. Prendre 1 000 UI par jour peut réduire les récidives de 24 %. Évitez aussi les chocs violents à la tête et les mouvements brusques dans les jours suivant un traitement.

Le BPPV est-il lié à l’audition ?

Non. Le BPPV affecte uniquement les canaux semi-circulaires, responsables de l’équilibre. Il n’implique pas la cochlée, qui est la partie de l’oreille qui traite l’audition. Si vous avez une perte d’audition, des bourdonnements ou des acouphènes en même temps que le vertige, ce n’est pas un BPPV. Cela pourrait être une maladie de Ménière, qui nécessite un autre traitement.

Faut-il faire une IRM pour diagnostiquer le BPPV ?

Non. L’IRM ne détecte pas les cristaux déplacés. Elle ne sert que si les symptômes ne correspondent pas au BPPV typique - par exemple, si vous avez des maux de tête, une faiblesse, une perte de parole ou une vision double. Dans ces cas, on élimine un accident vasculaire cérébral. Mais pour un vertige classique, déclenché par la tête, l’IRM est inutile, coûteuse, et souvent trompeuse. Le diagnostic se fait par l’histoire et la manœuvre de Dix-Hallpike.